La fin de journée. Enfin. Le meilleur moment de la journée, idéal pour ne rien faire, s'allonger dans un coin et faire le mort. La première semaine de cours venait à peine de s'achever et déjà j'en avais assez. Non pas que la rentrée se soit mal passée (pour une fois elle avait été plutôt agréable), mais je comptais bien profiter du weekend pour ne rien faire et aviser du travail à faire le plus tard possible. Ce qui serait donc probablement le dimanche soir en début de soirée. C'était déjà mieux que de s'en inquiéter le lundi matin entre deux cours…
Le plus dur avec le retour au château, c'était de réhabituer à l'usage de la magie partout, pour tout, tout le temps. Je m'en étais bien sûr servi pendant les deux derniers mois -personne n'aime faire le ménage- mais à chaque retour dans le monde magique j'étais surpris par l'incapacité de certains à vivre sans magie. C'était certes leur mode de vie depuis des lustres, mais bâtir tout un système sur quelque chose d'aussi ésotérique me semblait dangereux, et ce depuis le début.
Une belle rentrée, jusqu'à ce que je la croise. Nous avions réussi à nous éviter pendant une semaine, il fallait bien que le destin rattrape ça. Et pas moyen d'y échapper, nos regards étaient accrochés l'un à l'autre. Nous n'avions pas pu nous entendre dès le premier jour de scolarité (on m'a empêché de la frapper alors qu'elle avait commencé) et depuis tout allait en s'arrangeant. Enfin du point de vue de la violence et du mépris. Chaque année qui passait nous faisait nous détester de plus en plus ; à croire qu'il n'y avait pas de limite à la haine que nous pouvions éprouver l'un envers l'autre.
- Génial. Manquait plus que toi pour bien finir la journée Sherwood.
Bien que les cours soient terminés depuis plus d'une demi-heure, Kathleen était toujours vêtue de son uniforme scolaire, composé de la traditionnelle jupe anthracite plissée, les chaussettes hautes et la chemise blanche. Par dessus, elle portait une cape noire, pour éviter d'attraper froid dans les couloirs parcourus de courants d'air. Elle s'était, tout de suite après les cours, rendue à la bibliothèque pour aller emprunter un livre dont la lecture avait été conseillée par l'un de leurs professeurs au cours de la journée. Elle serrait d'ailleurs le précieux ouvrage contre elle tandis qu'elle retournait en direction de sa salle commune.
Le bruit provoqué par ses bottines à talons qui rencontraient le sol à chacun de ses pas faisait qu'on l'entendait arriver de loin. Avec sa chevelure de feu, Kathleen n'était déjà pas du genre à passer inaperçue, alors ajoutez à tout cela une insigne de préfète trônant fièrement sur sa poitrine et des talons, et vous comprendrez pour quelle raison plus d'un élève se tournait sur son passage. En arrivant en haut des escaliers, elle se retrouva face à face à Thanaël Redwood, un Poufsouffle qu'elle n'appréciait pas et qui ne la portait pas non plus dans son coeur.
Depuis leur première année, les deux élèves se cherchaient à tour de rôle des noises, s'agaçant mutuellement et finissant toujours par mettre la faute sur l'autre. Kathleen comptait bien faire comprendre au brun que les choses allaient être différentes, au cours de leur cinquième année. En effet, étant désormais Préfète, elle allait rapidement apprendre au Poufsouffle qu'il ferait mieux de ne pas lui manquer de respect, que ce soit dans sa parole ou dans ses gestes. Le voilà d'ailleurs qui lui lançait : "Génial. Manquait plus que toi pour bien finir la journée Sherwood."
"Ravie d'égayer ta soirée, Red." répliqua-t-elle du tac au tac, bien évidemment sarcastique.
Elle lui passa alors devant après lui avoir lancé un regard noir, et elle s'engagea dans l'escalier, sentant que le Poufsouffle faisait de même derrière elle. Et c'est alors que les choses prirent une tournure à laquelle la rousse ne s'attendait pas : l'escalier se mit en mouvement plus rapidement que ce qu'il n'aurait dû et avança avant de s'immobiliser dans le vide, ne permettant plus au deux sorciers de faire machine arrière ou d'avancer sans tomber dans le vide.
Ce phénomène, que les élèves nommaient "la crise de l'escalier", était comparable à une panne d'ascenseur. Le seul moyen de faire bouger à nouveau l'escalier, c'était de lancer un sortilège que seuls les professeurs et certains élèves de septième année parvenaient à maîtriser. Prenant son visage dans une main, Kathleen soupira avant de s'installer sur une marche d'escalier, attendant patiemment qu'on vienne à son secours. Enfin, leur secours, vu que Thanaël était avec elle.
"Et, bien sûr, fallait que ça arrive quand j'me trouve avec toi ! Gé-nial." lâcha la rousse qui appuya sa tête contre l'un des barreaux de l'escalier, lançant au Poufsouffle un regard agacé.
Qu'est-ce qui est mieux que de d'être coincé sur un escalier ? Être coincé sur un escalier avec la seule personne au monde que vous avez envie de passer au mixeur juste pour voir si elle mélange bien, contrairement à ce que la personne en question prétend depuis tout le temps. Il ne restait plus qu'à vérifier si nous allions utiliser cet événement pour remettre les pendules à l'heure et partir des bases neutres ou nous entretuer jusqu'à ce que l'escalier se remette en mouvement. Connaissant l'un et l'autre des deux partis présents, l'issue du meurtre était à privilégier…
"Et, bien sûr, fallait que ça arrive quand j'me trouve avec toi ! Gé-nial."
Si je lui avais emboîté le pas sans réagir à sa réponse la première fois, maintenant que nous étions coincés là pour une durée indéterminée je comptais bien lui donner la réplique, juste pour rendre son début de soirée aussi mauvais que possible. Et puisque mettre un coup de boule à une préfète en début d'année revenait à donner au nouveau directeur les munitions dont il avait besoin pour prouver son autorité, autant faire ça de façon verbale. Nous aurions bien assez de temps pour la violence durant le reste de l'année.
J'haussais les épaules en silence pour répondre à son regard agacé avant de poser mon sac contre un barreau. Il n'était pas encore bourré de livres et ferrait donc un merveilleux coussin. Gardant une main sous la tête, je m'allongeais sur une marche en jouant avec ma baguette en châtaigner de l'autre. A bien y penser, j'étais coincé avec elle mais l'inverse était tout aussi vrai. Et même si je ne pouvais clairement pas rivaliser avec elle en termes de méchanceté gratuite, le seul fait de la savoir bloquée ici contre son gré était suffisant pour transformer l'incident en anecdote amusante.
- Moi aussi je t'aime. Te plains pas, je vais être là pour égayer ta soirée… J'avoue être surpris, je pensais pas te revoir. Faut croire que le roux n'est pas au goût des acromentules. Les seuls animaux qui restent maintenant, c'est les loups-garous. Et encore, si ça se trouve t'es trop toxique, même pour eux. Pis aucun animal ne mérite ça. Je tournais la tête en sa direction et braquais mon regard sur elle. Ah et aussi, tu l'as payée combien ton écusson ? Nan je sais : t'es passée sous le bureau. A croire que le don pour le sarcasme s'accompagne d'autres qualités. Ou alors est-ce grâce à l'entrainement ?
La nonchalance avec laquelle Thanaël s’installa sur la marche d’escalier était assez incroyable. Incroyable dans le sens où la rousse ne connaissait personne, notamment parmi les gens qu’elle avait côtoyés durant l’été, qui se serait permis d’adopter pareille posture... Elle le fixa, presque avec dégoût, et hésita à lui faire remarquer que se coucher ainsi n’était pas digne d’un gentleman, mais elle se retint en se rappelant qui elle avait en face d’elle. Prenant une profonde inspiration, elle détourna son regard pour voir si quelqu’un s’apprêtait à prendre un escalier au-dessus d’eux et pouvait éventuellement les sortir de cet enfer. Malheureusement pour elle, ils étaient seuls, les autres élèves ayant déjà rejoint leur salle commune ou s’étant déjà réfugiés à la bibliothèque.
Se rendant bien vite compte qu’elle ne pourrait pas supporter bien longtemps cette présence-là, elle se releva et se pencha au-dessus de la rambarde, espérant apercevoir quelqu’un, élève ou professeur... En vain. C’est alors que la voix grave de Thanaël s’éleva derrière elle, lui arrachant un rire froid et loin d’être amusé lorsqu’il annonça qu’il l’aimait aussi. Et c’est alors qu’il lâcha une phrase, une toute petite phrase de rien du tout, qui mena la rousse à être crispée. Il venait de qualifier les loups-garous « d’animaux ». Il ne pouvait certes pas savoir que William, le père de la demoiselle, était atteint de lycanthropie, mais la finalité restait la même. Kathleen continua à lui tourner le dos, lui cachant ainsi son expression faciale qu’elle n’avait pas su garder neutre.
Comme s’il n’en avait pas dit assez, le Poufsouffle poursuivit, creusant sa propre tombe en sous-entendant que la rousse n’avait pas mérité son titre de Préfète et, pire que cela, qu’elle était passée sous le bureau pour l’obtenir. C’en était trop. Cette insulte était la goutte de potion qui avait fait déborder le chaudron. Kathleen sachant d’habitude si bien cacher ce qu’elle ressentait au plus profond d’elle se retourna vivement et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle gravit les quelques marches qui la séparaient de Thanaël et elle lui colla une gifle qui raisonna dans l’immense cage d’escalier vide. Attrapant à deux mains le col de la chemise de l’élève, elle le força à se redresser un peu en tirant dessus.
« La prochaine fois que tu as la fabuleuse idée d’insinuer pareille immondice, évite de le faire lorsqu’on se trouve en haut d’un escalier, car il y a de fortes chances pour que tu finisses bien des mètres plus bas. »
Cet avertissement avait été presque murmuré, son visage à quelques centimètres seulement de celui de son interlocuteur et ses yeux plantés dans les siens. Le ton employé par Kathleen contrastait fortement avec son regard noir et la gifle qu’elle venait d’infliger au jeune homme dont la joue était désormais écarlate. Relâchant son emprise, non sans repousser avec force Thanaël, elle se redressa et descendit les marches pour retourner s’asseoir quelques mètres plus bas. Ce que le Poufsouffle ne pouvait pas voir, c’était que les mains de la Préfète tremblaient de rage. Il avait vraiment abusé... Il ne comprendrait sans doute pas que ce qui avait réellement atteint la rousse était la classification qu’il avait faite concernant les loups-garous.
« Maintenant... » lui ordonna-t-elle en le fixant par-dessus son épaule. « Ferme ta gueule. » se permit-elle de lâcher, enfreignant par cette simple parole bien des règles que son éducation stricte lui avait inculquées.
Je ne disais rien. Rien après la gifle monumentale qu'elle m'infligeait, et pas plus après avoir écouté ses menaces. Je la regardais retourner s'assoir en massant ma joue de la paume de la main. C'est que la préfète avait de la force sous son air de poupée de porcelaine. Sa réaction était prévisible, surtout après le montant de provocation que je lui avais envoyé ; mais je ne m'y attendais pas. Pour elle qui avait plutôt l'habitude de rester de marbre face aux remarques des autres, c'était un comportement étrange. Ce qui ne voulait dire qu'une chose : j'avais touché un point sensible. Ne restait plus qu'à savoir s'il s'agissait de son insigne ou de loup-garou, mais vu sa réaction précédente je ne tarderai pas à le savoir en insistant rien qu'un tout petit peu.
Je me redressais un peu et me tournais vers elle. La joute devait continuer.
- Ça te ferais plaisir hein ? De me voir battre des quatre membres en tentant désespérément de me rattraper à quelque chose avant d'inévitablement toucher le sol et m'aplatir sur les dalles. Une vermine en moins, pour le prix de quelques mètres carrés de nettoyage. Viens-y donc, comme ça on pourra vérifier qui de nous deux arrivera en bas le premier lui disais-je en la défiant du regard.
Elle ne le ferait pas, j'en étais certain. Et quand bien même elle se déciderait à se débarrasser de na nuisance dans sa vie que j'étais, j'avais été très sérieux en parlant de l'inviter au décollage avec moi. Elle était retournée dans son mutisme habituel, se contentant de me regarder du coin de l'œil en lançant de temps à autre un regard courroucé.
- T'aimerais que je m'agenouille en te suppliant de m'épargner ? Que j'implore ton pardon en espérant le salut de mon âme si jamais tu consens dans ta grande miséricorde à accorder un peu de temps à cette chose impure afin de l'élever quelque peu au-dessus de sa condition déplorable ? Rien que le fait de penser à cette situation m'arrachait un sourire.
Je me levais et m'approchais de la rousse en m'installant sur la marche juste derrière elle. J'étais désormais à coté de sa tête, et je pouvais sentir tout le dégoût qui l'envahissait. Du pur bonheur, que je savourais un peu plus à chaque seconde qui s'écoulait.
- Jamais. Jamais je ne fermerai ma gueule, et en particulier si l'ordre vient de toi ou de quelqu'un de ta clique de dégénérés. Se croire supérieur parce qu'on a muté avant les autres n'est pas un signe de grandeur. Enfin si tu es capable de comprendre ce que je te dis, car je suppose que la génétique te parle autant que l'altruisme. Petit esprit étriqué dans un corps de craie.
Thanaël resta de marbre. Kathleen n’aurait pas su dire si son étonnement était dû au fait qu’elle le frappe, ou à la force de la gifle elle-même. Il était vrai qu’avant les vacances d’été, jamais elle ne se serait permis pareil comportement, mais les choses avaient changées. La rousse avait changée. Assise, elle eut le temps de se recentrer sur elle-même, retrouvant ses anciennes habitudes, celles qu’elle avait à l’époque où elle était capable de se faire prendre de haut et insulter sans réagir autrement qu’en affichant un sourire condescendant. Du moins... Elle crut avoir retrouvé cet état d’esprit qui lui permettait d’ignorer la personne qui l’agressait, mais le fait que Thanaël reprenne la parole lui prouva le contraire.
Le simple fait d’entendre sa voix lui était insupportable. En soit, ce qu’il lui disait n’était pas bien grave, du moins au début, mais le fait qu’il parle alors qu’elle lui avait expressément demandé de se la fermer suffisait à la crisper. Fermant ses poings, elle sentait ses ongles s’enfoncer dans les paumes de ses mains au fur et à mesure que le Poufsouffle parlait. Au début, Kathleen avait l’espoir que le jeune homme finisse par se taire en se rendant compte qu’elle ne réagissait pas, mais elle comprit bien vite que son espoir était vain. Fixant un point imaginaire devant elle, elle écouta les paroles du jeune homme qui, elle en était sûre, était suicidaire. Cela ne pouvait être que ça : il voulait mourrir.
Elle lui lança un bref regard lorsqu’il lui proposa de sauter avec elle en bas des escaliers. Elle ne répondit pas, sachant qu’il n’avait pas fini de parler. Elle le laissa donc reprendre la parole et débiter ses conneries. Elle l’écouta sans broncher et, en le voyant se lever, Kathleen tourna à nouveau sa tête, pour regarder en face d’elle. Thanaël s’installa juste derrière elle. Elle sentait son souffle sur sa nuque et entendant sa voix tout près de son oreille. Elle n’avait qu’une envie : vomir. Comment osait-il s’approcher ainsi d’elle ? Encore un peu et il se permettrait de poser sa main sur elle ! Lorsqu’il eut terminé de la prendre pour une demeurée, elle se retourna soudainement, se levant par la même occasion. « Toi. » lâcha-t-elle en attrapant le menton du jeune homme dans sa main, plantant ses ongles dans ses joues, le forçant ainsi à relever son visage pour la regarder. « Comment oses-tu me parler ainsi ? A vrai dire, comment oses-tu t’adresser à moi ? N’as-tu toujours pas compris, depuis le temps, que tu ne m’arrives pas à la cheville ? Que tu n’arrives à la cheville d’aucun sorcier ? Tu n’es qu’un être inférieur ; je le dis et je le pense. Quand on sait que des baguettes sont confiées à des vermines comme toi, qui ne méritent pas d’être considérés comme des sorciers, alors que d’honnête gens, sorciers de père en fils depuis des générations, naissent sans pouvoirs.... Ça me dégoûte. Tu me dégoûtes. »
Elle parlait très doucement, comme dans un murmure. Ainsi, aucun tableau à proximité ne pouvait entendre ce qui se disait entre les deux sorciers bloqués sur cet escalier qui refusait d’avancer ou de reculer, restant sur place au milieu de rien. Son regard planté dans celui de Thanaël, elle referma un peu plus son emprise sur sa mâchoire. S’il tirait sa tête en arrière, il y avait fort à parier que de profondes griffures allaient marquer son visage. Désormais debout, Kathleen était un peu plus grande que le Poufsouffle resté assis, ce qui inversait les rôles, le jeune homme étant habituellement plus grand que la Préfète. Continuant à parler, sa rage présente uniquement dans ses yeux et non pas dans sa voix calme et posée, la Serpentard poursuivit :
« Tu aurais mieux fait de garder en toi ces pouvoirs que tu ne mérites pas d’apprendre à maîtriser. Oui, tu aurais dû refouler tes pouvoirs jusqu’à héberger un Obscurus. Tu aurais dû mourir avant même d’atteindre l’âge nécessaire pour entrer dans ce Château. Tu n’aurais jamais dû vivre : tu n’es qu’une erreur. Vous, les Sang-de-bourbe, vous êtes tous des erreurs de la nature. Maintenant, si tu ne veux pas que je me charge moi-même de te faire disparaître, n’ouvre pas ta bouche. Sauf si c’est pour t’excuser d’exister. Tu sais... Un accident est vite arrivé. »
Relâchant lentement son emprise, Kathleen se redressa après avoir administré deux petites tapes presque amicales sur la joue de Thanaël, comme si elle le félicitait d’avoir su se montrer attentif à ses paroles. Un sourire sadique, presque diabolique, s’était peu à peu dessiné sur ses lèvres rosées lorsqu’elle avait parlé de la possibilité de se débarrasser de lui, cette simple idée la réjouissant apparemment plus qu’autre chose. Peut-être plus encore que de retrouver la terre ferme. Tournant le dos au brun, presque sûre qu’il n’allait rien lui faire, elle se remit à chercher du regard quelqu’un ou quelque chose, comme par exemple un fantôme, qui pourrait enfin débloquer se fichu escalier. S’adressant à l’ensemble des tableaux qui étaient affichés de parts et d’autres du hall, elle leur demanda :
« Et vous pourriez pas bouger, vous, afin d’aller chercher de l’aide au lieu de rester là à nous regarder comme des bêtes de foire, hein ?! »
Je regardais la rousse s'adresser aux tableaux avec une moue de mépris crispée au visage. A quel moment de son éducation avait-elle cessée de penser pour obéir et répéter ? A quel moment avait-elle dû réagir au lieu de réfléchir ? Et elle était évidemment loin d'être la seule dans le même cas de figure… Peut-être que la seule façon de les faire changer d'avis étaient de leur coller une grande claque. Au figuré, en détruisant systématiquement chacune de leurs convictions sacrées. Lorsque l'on est battu par un moins que rien, qu'est-ce que l'on est ?
- Et avec un peu de chance cet Obscurus t'aurais écrasé, toi et ta famille "d'honnêtes gens", ajoutais-je en marquant les guillemets avec les doigts. Je veux bien m'enfermer tout seul à Azkaban le jour où tu seras digne d'être considérée comme une personne honnête et bien sous tous rapports. Plutôt que de refouler mes pouvoirs, j'aurais préféré ne jamais les avoir. Tu crois que j'ai eu le choix ? Je n'ai jamais demandé cette magie à la con. Vivre dans ce monde fermé que tu affectionne tant ne m'intéresse pas. Rien ici n'est si incroyable que cela. Un escalier qui bouge ? Cool ! Des tableaux qui parlent ? Encore mieux ! Mais la vie de Moldu est bien plus intéressante que pourra jamais l'être ton existence et celle de ta famille toute entière. Tu ne te rends pas compte de l'absurdité de tes convictions ? La magie frappe sans prévenir, et cela veut dire qu'un jour il n'y aura plus de Moldus sur cette terre, mais uniquement des sorciers. Et qu'est-ce que vous ferrez ce jour là ? Vous ressortirez les arbres généalogiques et tenterez d'expliquer votre supériorité parce que vous étiez là les premiers ? Bon courage avec ça. Enfin si les malformations de naissances vous laissent vivre jusque là ; on sait tout les deux ce qui se passe à force de baiser entre cousins, et t'as bien l'air d'en être la preuve vivante.
Je concentrais mon attention sur elle. Elle aurait pu être bien. Elle était plutôt belle et plus qu'intelligente, mais elle était aussi pourrie qu'une charogne de trois semaines ; rongée de l'intérieur par une haine et une peur irrationnelle. Que les sorciers aient pu détester les Moldus pendant les heures sombre de notre Histoire, je veux bien le comprendre. Difficile d'aimer ceux qui cherchent à vous mettre sur un bûcher… Mais à l'heure actuelle ? On ne chassait plus le sorcier, bien au contraire on allait les chercher pour Halloween. Les Sang-purs devaient avoir peur de perdre leur précieux pouvoir, acquis après des années et des années de manigances politiques. Plus de sorciers signifiaient plus de candidats à des postes importants…
- Un accident… Tu m'entends, ou en plus d'avoir un balai dans le cul t'as aussi de la merde dans les oreilles ? Comme je le disais, essaye donc. Je suis curieux de voir si ton sang est si différent du mien.
Sang-de-bourbe… J'avais toujours entendu cette expression depuis mon arrivée à Poudlard, et je pensais d'abord m'y faire avec le temps. Je n'y suis jamais arrivé. Je me disais qu'après tout, ils ne faisaient que dire tout haut ce que beaucoup devaient penser tout bas ; et après tout ils avaient raison. Je n'étais pas de leur monde, je n'avais pas grandi avec ces codes étranges. Me le rappeler ne me faisais rien, mais l'utiliser comme argument pour m'insulter me donnait une raison de m'énerver. Même si dans le cas de Kathleen les raisons de manquaient pas. Mais surtout c'était la colère qui me surprenait le plus. Une rage aveugle et soudaine, en réaction à une agression contre ce que j'étais au plus profond de moi-même, contre mon être et contre le fait tout simple de mon existence. De là surgissait la nécessité impérieuse de me défendre, de préférence aussi violemment que l'avait été l'attaque.
- Tu as raison lançais-je à la rousse en me levant. J'étais de retour à son contact en quelques pas. Les doigts de ma main droite tremblaient légèrement lorsqu'ils se posaient sur son épaule. Je suis un Sang-de-bourbe. Et j'en suis fier, bitch.
Il me semble bien avoir entendu un craquement lorsque mon front rencontrait l'arrête de son nez lors du coup de tête qui s'en suivait.
Alors que Kathleen s’apprêtait à se retourner pour envoyer royalement chier Thanaël, lui lançant en visage qu’il n’avait qu’à se barrer de Poudlard si la magie était un fardeau pour lui, elle sentit une main se poser sur son épaule. Chose à ne pas faire. Surtout pas faire. Se retournant vivement, prête à en découdre avec le né-moldu, elle se prit un coup de boule digne de ce nom, sentant son nez se briser sous l’impact. Sonnée, elle recula de quelques pas, tenant d’une main le sang chaud qui coulait de ses narines pour venir se glisser dans sa bouche. Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle dégaina sa baguette, la pointa sur Thanaël et hurla de rage la formule du sortilège de répulsion.
Le Poufsouffle fut projeté par dessus la rambarde et tomba dans le vide. Comme si la scène toute entière tournait au ralentit, Kathleen eut l’impression d’avoir trois heures devant elle pour faire son choix : le sauver, ou ne pas le sauver ? Si elle n’intervenait pas, il allait sans aucun doute s’écraser sur le sol de pierre et mourrir à cause du choc. Quoique... Il avait sa baguette dans sa main : il pouvait donc s’en servir pour ralentir sa chute. Après un instant de réflexion, la Préfète se rendit compte qu’il n’aurait pas la concentration nécessaire pour réaliser correctement le sortilège. A contre coeur, elle devait donc lui sauver la vie.
S’il n’y avait pas eu de témoins, à savoir les nombreux occupants des tableaux qui décoraient l’endroit, elle n’aurait pas agi. Elle l’aurait laissé s’écraser sans scrupule et elle aurait admiré son sang impur répandre le sol. Après avoir proféré une insulte entre ses dents, elle pointa sa baguette sur le jeune homme dont l’un des bras venait de rencontrer la rambarde d’un autre escalier, le faisant vriller dans sa chute, et elle hurla presque la formule qui permettait de ralentir les objets et les personnes en train de tomber. Il était trop tard pour qu’elle parvienne à le stopper avant qu’il touche le sol.
Lorsque le corps de Thanaël toucha le sol, un craquement qui n’augurait rien de bon se fit entendre. Il devait s’être cassé, en plus du bras, des côtes, ou peut-être une clavicule, voire les deux. Ne pouvant pas oublier ce qu’il lui avait dit, elle ne sentit même pas une once de culpabilité en l’entendant hurler de douleur. Elle se détourna du spectacle pour aller chercher le sac du Poufsouffle qui était resté sur l’une des marches. Elle l’attrapa et le lança en direction de l’élève. Le sac s’écrasa proche de lui en provoquant un bruit qui semblait annoncer que des fioles s’étaient brisées à l’intérieur.
« Alors casse-toi !!! » hurla-t-elle plus fort que les gémissements du jeune homme. « Casse-toi si tu te sens pas à ta place parmi nous ! Tu as raison d’avoir cette impression : tu n’es pas le bienvenu, alors dégage ! »
Sans doute alertée par le cris, une élève de septième année fit son apparition tout en bas, là où Thanaël avait atterri. Elle ne semblait pas avoir suivi ce qu’il s’était passé, mais elle courut dans la direction de l’élève brisé et fit léviter le corps d’un sortilège. Elle allait sans aucun doute l’amener à l’infirmerie. Apercevant Kathleen sur l’escalier, elle débloqua ce dernier puis s’en alla en vitesse avec le Poufsouffle agonisant. La rousse, quant-à-elle, partit immédiatement s’enfermer dans les toilettes des filles pour aller nettoyer son visage et réparer son nez d’un simple sort. Ses vêtements étaient recouverts de son propre sang.
Devant le miroir, elle observa son visage tendu par la colère. Se souvenant de la main du Poufsouffle posée sur son épaule elle frôla celle-ci, laissant ses doigts courir sur le tissu de sa cape. Sa fureur grandissant, elle donna un coup de poing dans le miroir, le brisant au contact de sa main, blessant les phalanges de celle-ci. Tenant un morceau de serviette en papier contre son nez qui saignait toujours, elle quitta les toilettes, bien décidée à aller se réfugier dans son lit, elle ignora les gens qui l’interrogeait sur son passage de « Est-ce que ça va ? » inquiets.
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