"Entre les rayons y a-t-il (cir)conférence ?"

Kathleen n'avait qu'une idée en tête, ce jour-là : parvenir à comprendre l'art de la Xylomancie. Si elle arrivait, au cours de l'année, à travailler suffisamment pour les cours de divination, elle pouvait espérer obtenir au Brevet Universel de Sorcellerie Elémentaire que et uniquement des "Optimal". Elle avait tenté de s'atteler à cette tâche dans sa Salle Commune, mais les premières années qui faisaient connaissance et les élèves d'années supérieures qui parlaient de leurs vacances avaient vite fait d'agacer la rousse. Est-ce que quelqu'un en avait vraiment quelque chose à foutre de savoir que tel élève était allé voir sa mamie Ginette mourante pendant que l'autre racontait, avec la voix tremblante, que son père avait eu, en voiture, un accident impliquant une biche et une belle-mère ? Ce n'était certainement pas Kathleen qui allait rester assise là à écouter ces histoires que personne n'avait réellement envie d'entendre, mais qui n'étaient jamais interrompues, par "respect".

La demoiselle n'avait pas manqué de faire part de son agacement, surtout en comprenant que la fille dont le père était désormais en pièces détachées n'était soit pas de Sang-Pur, soit elle l'était, mais sa famille avait fini par céder à l'appel de la technologie moldue, ce qui était, aux yeux de Kathleen, une aberration. Il y avait vraiment des valeurs qui se perdaient... La rousse était donc en train de se diriger vers la bibliothèque, quasi-certaine qu'elle allait y trouver le calme qu'elle cherchait. Alors qu'elle s'apprêtait à pousser le lourd panneau de bois, la porte tourna sur ses gonds. Elle se trouva nez-à-nez avec la bibliothécaire qui, de toute évidence, s'apprêtait à quitter le lieu. Son éducation stricte prenant le dessus, la Serpentard salua la sorcière dans un murmure. Après ce bref échange, Kathleen entra dans la bibliothèque qui, à première vue, était déserte.

Les cours n'ayant pas encore commencé, il n'était pas étonnant que les élèves n'aient pas encore jugé nécessaire de réviser quoi que ce soit. Connaissant la bibliothèque comme sa poche pour y avoir passé bien des heures, la demoiselle la traversa, sachant pertinemment où se trouvaient les tables de travail. Seule une fille était assise-là. L'ignorant royalement, Kathleen prit place de l'autre côté de la table, non pas en face de la Serdaigle, mais un peu plus loin. Ouvrant son sac en bandouillère, elle en sortit un livre, un rouleau de parchemin, une plume de Focifère émeraude ainsi qu'un encrier rempli de liquide noir. Une fois convenablement installée, elle ouvrit son bouquin et commença à le lire, prenant de temps à autres des notes sur son parchemin.

Son écriture, légèrement penchée, attestait du temps que la rousse avait passé, lorsqu'elle était fillette, à apprendre la calligraphie. A vrai dire, même la manière dont elle était assise, le dos bien droit, suffisait à elle seule à faire comprendre qu'elle avait grandi dans une famille riche et qu'elle avait été éduquée en conséquence. Après un certain temps, Kathleen se rendit compte qu'elle n'avait plus d'encre dans son petit encrier en cristal. Hésitant à demander à la Serdaigle si elle n'avait pas, par hasard, un flacon d'encre sur elle, la Serpentard se trouva dans une situation qu'elle n'appréciait pas : elle allait être redevable envers cette fille. Etant bien trop plongée dans la xylomancie pour perdre du temps à aller chercher de l'encre dans son dortoir, Kathleen céda. Elle se leva, s'approcha de la demoiselle, se pencha au-dessus de la table et attira son attention en chuchotant :

"Dis ?" Une fois que la brune avait relevé les yeux sur elle, elle poursuivit : "T'aurais de l'encre ?"

"Entre les rayons y a-t-il (cir)conférence ?"

Afin de satisfaire la demande sous-entendue de Kathleen, Betty plongea sa main dans son sac et en ressortit un petit réservoir non-entamé. La rousse connaissait des gens qui auraient poussé le vice jusqu’au bout, se contentant de répondre simplement « oui » à sa question sans lui remettre le précieux sésame, et tout ça pour le simple plaisir de l’entendre demander poliment ce qu’elle souhaitait obtenir. Sa main se refermant sur l’encre, elle entendit la Serdaigle s’adresser à elle avec gentillesse et politesse. De part son éducation, Kathleen ne pouvait tout simplement pas répliquer un cinglant « J’espère aussi. » sans passer par la case du remerciement. Betty aurait pu lui mentir simplement en voyant qu’elle était à Serpentard, sachant que les membres de cette maison n’étaient pas les plus appréciés dans l’école, mais elle ne l’avait pas fait. C’est donc avec un sourire poli qu’elle lui répondit :

« Merci. »

Elle aurait pu rajouter un « J’espère que toi aussi. », mais il ne fallait pas non plus pousser Dumby en bas de la tour. Bien évidemment, si ses parents avaient été présents, elle aurait fait preuve de pareille courtoisie. Retournant à sa place, elle se replongea dans son travail, mais en fut rapidement extirpée par un groupe d’élèves de Gryffondor. Les suivant du regard, elle attendit qu’ils dépassent les limites pour les remettre à leur place. Si elle agissait maintenant, ils pouvaient dire qu’elle exagérait et ils auraient eu raison de penser ainsi. Kathleen croisa le regard de Betty qui, de toute évidence, avait également été dérangée par l’arrivée du troupeau de lions. La Serdaigle fit une remarque concernant les jeunes élèves bruyants, ce à quoi la rousse ne put que répondre sur un ton lassé :

« Je ne te le fais pas dire... »

Etant apparemment moins patiente que la Préfète, la brune se leva et intercepta les rouge et or pour leur expliquer le b.a.-ba de l’arithmancie. Etant dotés d’un minimum de respect envers leur aînée, les jeunes restèrent bouche-bée, ne comprenant pas un mot de ce que leur racontait la Serdaigle sans oser pour autant la couper. S’amusant du spectacle, Kathleen ne retourna pas à son activité première, laissant la pointe de sa plume émeraude immobile à quelques centimètres du parchemin sur lequel elle prenait des notes. Finalement, la brune leur proposa gentiment de s’en aller. Semblant ravis de pouvoir échapper à plus d’arithmancie, les sorciers se dirigèrent vers la porte de la bibliothèque tandis que Betty retournait à sa place pour y écrire un petit mot adressé à Kathleen. Sur le petit mot que la rousse venait de déplier, il était écrit :

"Après avoir vu ces énergumènes, ta présence silencieuse est d'autant plus agréable. Si je peux t'aider pour quoi que ce soit, n'hésite pas. 

Flea"

S’apprêtant à y répondre, un éclat de rire lui fit relever la tête. Comme elle s’en doutait, il avait été émis par l’un des membres du troupeau de lions qui étaient en train de se diriger vers la sortie non sans se pousser les uns les autres pour se faire tomber. Tapant du poing sur la table en hurlant un « OH ! Vous allez la fermer, OUI ?! » sonore qui raisonna dans la bibliothèque, Kathleen se leva. Au vu du regard noir de la rousse, il n’aurait pas été étonnant de l’entendre lâcher un « That’s a shot, inmates ! » telle une surveillante de prison qui venait de coller un avertissement à des détenus. Le plus courageux, et sans doute le plus bête, du groupe s’apprêtait de toute évidence à répliquer, mais il fut retenu par l’un de ses camarades qui lui souffla un peu trop fort pour que Kathleen ne l’entende pas :



« Non, tais-toi... C’est Sherwood-Rowle. »

Apparemment, cette remarque suffit à rabattre le caquet de l’élève qui referma immédiatement la bouche. La rousse savait parfaitement pour quelle raison le nom de jeune fille de sa mère avait été mentionné : cette partie-là de sa famille, habitant en Angleterre depuis des générations contrairement à la famille de son père, était plus connue par la communauté sorcière. A Poudlard, la plupart des descendants de personne ayant été soupçonnée d’être Mangemort étaient craints, comme si les élèves avaient peur que la famille de leur camarade se retourne contre eux, ce qui, en soit, était idiot. Les Gryffondors s’en allèrent la queue entre les jambes, et la Serpentard reprit place sans adresser le moindre regard aux nombreux visages qui étaient levés vers elle.

« Présence silencieuse, écrivais-tu ? Plus sérieusement, en quelle année es-tu ? 



Kathleen. »

Enchantant à l’aide de sa baguette de sureau le bout de parchemin, celui-ci se transforma en un oiseau de papier et s’envola en direction de la Serdaigle. L’intervention de la rousse n’avait pas du tout été calme et silencieuse comme l’avait été celle de sa camarade ; il était donc normal qu’elle s’amuse des termes « présence silencieuse » écrits par Betty. En repensant au teint livide qu’avait pris le visage de l’élève en apprenant qui il avait en face de lui, Kathleen ne put s’empêcher de sourire. Elle appréciait en effet le pouvoir que lui donnait son nom. Elle se demandait si les élèves de Poudlard se doutaient qu’elle et Naeva ait un lien de parenté. Cette dernière était tellement différente de sa cousine que bien des gens avaient dû tomber de haut en apprenant que la Poufsouffle était en partie Sherwood. Retournant à son travail, la rousse se demandait si Betty allait lui répondre maintenant qu’elle savait à qui elle avait affaire.