"Entre deux cousines."

Les vacances scolaires de Kathleen s’étaient passées à quelques détails près comme toutes les vacances qu’elle avait connues jusque-là. Elle s’était levée aux alentours de sept heures presque tous les matins du lundi au vendredi pour rejoindre l’un ou l’autre des trois précepteurs spécialement engagés pour lui faire prendre de l’avance sur le programme scolaire. Le week-end, elle participait aux repas et aux fêtes organisées par ses parents ou les amis de ces derniers. Sa vie au Manoir n’était sans doute pas comparable à ce que ses camarades vivaient lors des vacances. Elle savait par exemple que sa propre cousine n’avait pas à étudier lorsqu’elle était en dehors de Poudlard. En effet, Rosa, contrairement à William, refusait de faire vivre à ses enfants l’éducation stricte qu’elle et son frère avaient vécue. En plus, Naeva n’avait que très rarement l’obligation de subir les interminables rencontres qui se faisaient entre les nobles familles de Sang Pur. En effet, le fait que sa mère se soit acoquinée avec un moldu n’ayant pas passé auprès des puristes, cette partie-là de la famille Sherwood n’était pas sur la liste d’invitations de bon nombre de familles sorcières.

Malgré tout cela, Kathleen ne s’était jamais plaint, sachant que pour devenir une sorcière de renom, elle se devait de faire tout ce qui était en son pouvoir, même si cela signifiait qu’elle devait sacrifier ses vacances. Après tout, comment pouvait-elle se plaindre de vivre quelque chose alors qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de vivre quoi que ce soit d’autre ? Pour elle, ce qu’elle vivait était normal et ceux qui grandissaient au sein d’une famille dont les habitudes éducationnelles étaient moins restrictives manquaient, à ses yeux, d’éducation. En parlant de manque d’éducation : elle venait d’apercevoir, en arrivant sur le quai 93/4 de la gare King Cross, le frère et la soeur de Naeva en train de se chamailler. Emma, la mère de la rousse, ne put s’empêcher de relever le caractère inapproprié d’un tel comportement, remarque que Kathleen accueillit avec un sourire entendu. William, le père de famille, marchait quelques mètres devant sa femme et sa fille. Les gens s’écartaient sur son chemin et la rousse ne fut pas surprise de voir quelques parents chuchoter entre eux en lui lançant des regards emplis de sous-entendus, car, chaque année, c’était la même chose.

Emma, faisant partie de la famille Rowle, suscitait également quelques réactions, mais en bonne Occlumens qui se respecte, elle ne laissait rien paraitre de ce qu’elle en pensait. Ne pouvant, comme chaque année, pas traverser le quai sans être interpelée de toutes parts, la famille Sherwood dut s’arrêter à trois reprises pour saluer deux familles de Sang-Pur venus aux nouvelles et un père de famille qui désirait saluer Emma qui lui avait, par le passé, dispensé des cours d’occlumancie. Lorsqu’ils arrivèrent enfin à la hauteur des Evans, la plupart des élèves étaient déjà montés dans le train. D’un baise-main fraternel, William salua Rosa. La mère de Kathleen, elle, se contenta de saluer sa belle-soeur d’un signe de tête et d’un sourire uniquement poli avant de porter son attention sur l’elfe de maison qui peinait à pousser le chariot sur lequel la malle de la Serpentard se trouvait. Faisant part de son agacement en claquant sa langue à l’intérieur de sa cavité buccale, la mère aux cheveux flamboyant réprimanda l’elfe après avoir salué Naeva d’un bref « Bonjour, Miss. ». Emma ne pouvait s’empêcher de mépriser ces enfants au Sang souillé.

« Bonjour... » dit Kathleen en s’adressant à sa tante, souriant d’une manière qui semblait sincère.

« Bonjour Naeva ! Très bien, merci, et le vôtre ? » demanda-t-il en s’adressant à la petite famille dans son intégralité.

William aimait beaucoup sa soeur, peut-être même plus que ce qu’il aimait sa femme ou sa fille, et, pour cette raison, il parvenait sans peine à passer outre le fait que les enfants de Rosa étaient de Sang-mêlé. Cependant, il ne fallait jamais, au grand jamais, mentionner le père de Naeva en sa présence, sans quoi il entrait dans une rage folle ou partait, refusant d’entendre quoi que ce soit concernant cet homme. D’ailleurs, il avait toujours écrit sur les lettres qu’il désirait faire parvenir à sa soeur le nom « Rosa Sherwood », montrant par cette action qu’il ne cautionnait pas son mariage avec le Evans. Sans chaleur aucune, Kathleen rendit la salutation que lui avait adressée sa cousine. Après que les adultes aient terminé de parler de leur voyage respectif et du petit contre-temps qu’avaient rencontré les Sherwood à cause de Stink, leur elfe de maison, le chef de gare siffla, informant ainsi les personnes présentes que l’heure était aux au revoir. Naeva enlaça sa mère tandis que, se penchant par-dessus l’épaule de sa fille, William se contenta de lui souffler à l’oreille sur un ton plus autoritaire que chaleureux :

« Sois digne de ton nom et de ton sang. »

« Je m’y engage, Père. » lâcha-t-elle tout en fixant un point imaginaire loin devant elle.

C’est alors que tout s’enchaîna très vite. Emma, comme chaque année, posa sa main sur l’épaule de sa fille et la serra entre ses doigts. Cependant, au lieu de prononcer le « Au revoir Mère. » habituel, Kathleen se défit brusquement de l’emprise, se retournant avec force. Ouvrant des yeux surpris, l’occlumens retrouva rapidement son impénétrabilité naturelle, celle dont sa fille avait en partie héritée, mais son étonnement n’était pas passé inaperçu. William, quant à lui, s’était interposé entre les deux femmes, faisant face à l’adolescente. Une main très légèrement remontée pour l’inciter au calme, il se contenta de la fixer de son regard. Une discussion silencieuse semblait s’être engagée entre la rousse et le brun. Retrouvant après un instant sa posture très droite, elle lâcha un « Au revoir » adressé à tout le monde et ce, sans détourner ses yeux qui étaient toujours plongés dans ceux de son géniteur. Faisant d’abord un, puis deux, et finalement trois pas en arrière, Kathleen ne tourna le dos qu’après avoir mis assez de distance entre elle et le groupe. Sans un mot de plus, elle entra dans le train, ignorant royalement sa jeune cousine qui pleurait à chaudes larmes.

Passant à côté de Naeva, elle entra dans le compartiment où sa malle avait été entreposée par Stink. Elle remarqua qu’il avait jugé nécessaire de la mettre dans le même compartiment que sa cousine. N’ayant absolument pas la motivation ni l’envie de déplacer ses affaires, Kathleen s’installa de manière à être assise dans le sens de la marche du train. Si la Poufsouffle avait un quelconque problème avec l’idée de faire le voyage en sa compagnie, elle n’avait qu’à partir elle. De toutes manières, ayant été toutes les deux nommées Préfètes, elles se devaient d’être dans le premier wagon du train, mais rien ne les obligeait à partager un compartiment ensemble. Lors de leurs deux premières années à Poudlard, les filles avaient décidé de faire le trajet ensemble, mais les deux années qui avaient suivi, elles l’avaient fait dans des compartiments séparés. Voyant sa cousine arriver, Kathleen se demanda si elle allait s’asseoir ou prendre sa malle et partir sans un mot à son égard. Il faut dire que la rousse n’avait pas été tendre avec elle, les rares fois où elles s’étaient vues au cours des vacances. Pour faire preuve de bonne foi, elle lui demanda sur un ton détaché tout en regardant par la fenêtre les derniers élèves monter dans le train :

« T’as passé de bonnes vacances ? »